Pourquoi la télémédecine connaît-elle autant d’engouement ces dernières années?
Principalement parce qu’elle permet d’économiser du temps et de l'argent, par exemple sur les frais de déplacement, et parce qu’elle supprime les délais d'attente et les risques d'infection. Un autre point important est l'évolution du système de santé, car l’offre de soins médicaux de base se réduit et on prévoit une pénurie de médecins généralistes dans les années à venir. Ce phénomène s’observe aussi en Suisse et en Allemagne.
En quoi le coronavirus a-t-il changé les choses?
Le boom de la télémédecine a commencé au début de la pandémie, c'est-à-dire au printemps 2020. Il y avait beaucoup d'incertitude sur cette maladie pendant le premier confinement. En outre, beaucoup de soignants ont été déstabilisés par les annonces des autorités. En même temps, la télémédecine est de mieux en mieux acceptée par les assurances. Il est possible aujourd’hui de délivrer des arrêts maladie par téléphone, d’envoyer des ordonnances par e-mail et en général de donner des consultations en ligne. En outre, la facturation des téléconsultations fonctionne bien. Certains blocages d’ordre politique qui duraient depuis 10 ans ont pu être levés. Les gens ont compris qu'il n'est plus nécessaire de se déplacer chez le médecin et d’attendre patiemment son tour lorsqu’on a besoin d'un arrêt maladie ou une simple question à poser.
Quelle est la situation de la télémédecine actuellement?
Actuellement, l’engouement pour les téléconsultations a de nouveau diminué. Mais les nombreuses visites «inutiles» chez les médecins ou en ambulatoire ont aussi diminué. Pendant le confinement, plus de 90% des consultations se sont faites en ligne – un chiffre qui s'est stabilisé à 25%. La consultation vidéo a joué un rôle mineur pendant la crise du coronavirus en raison des faibles tarifs. En général, l'environnement réglementaire n'a pas encore atteint un point où il peut refléter de manière significative la télémédecine; il y a beaucoup d'incertitudes et de possibilités d'amélioration.
De quoi s'occupe l'association Telemed Austria?
Elle représente les intérêts de la télémédecine en Autriche. Les principaux objectifs et la raison d'être de cette association à but non lucratif sont, d'une part, la démystification de l'ensemble du secteur de la télémédecine et, d'autre part, l'assurance qualité. En outre, Telemed Austria travaille avec Quality Austria sur un concept de certification des plates-formes de télémédecine et des personnes chargées de la télémédecine.
Le label «Telemedizinische Gütesiegel» est-il contrôlé par l'État ou s'agit-il d'une initiative privée??
C’est un label de qualité purement privé, mais il a été créé en contact étroit avec des parties prenantes proches de l'État. Pour obtenir ce certificat, vous devez passer par deux phases. La première partie est l'auto déclaration (description du processus, conformité au RGPD, structure des données, choix techniques), suivie d'un audit réalisé par Quality Austria pour éliminer les éventuelles faiblesses.
Tout médecin généraliste peut-il faire des téléconsultations?
En principe, un médecin généraliste est libre de faire de la télémédecine et n'a pas besoin de qualification supplémentaire pour pratiquer. Un point très important est la communication, car tous les médecins ne sont pas de bons communicateurs. Par vidéo il est encore plus important de savoir bien communiquer, car il faut recueillir et véhiculer beaucoup d'informations.
Le dossier patient informatisé ELGA constitue-t-il une bonne infrastructure de télémédecine?
Le dossier électronique du patient n’est pas approprié pour la communication, essentielle en télémédecine. Il serait certes utile d’avoir accès aux antécédents médicaux du patient. De plus, l’échange de documents via ELGA (elektronische Gesundheitsakte, le dossier informatisé du patient en Autriche) serait possible, mais en tant que dossier médical électronique il n’est pas d’une grande utilité.
La télémédecine est-elle réglementée en Autriche?
Il n'existe pas de normes généralement applicables à la télémedecine en Autriche. Cependant, beaucoup d’éléments techniques sont inscrits dans la loi (protection des données, communication, etc.). Il est souvent colporté que la télémédecine est interdite en Autriche, mais ce n'est pas vrai. La télémédecine a toujours été autorisée, conformément à la loi relative à l’exercice de la médecine (Ärztegesetz) selon laquelle l’acte médical doit être effectué directement sur le patient et pour le patient, mais les moyens pour y parvenir ne sont pas définis.
Pour quelles indications la télémédecine apporte-t-elle des avantages par rapport à la médecine traditionnelles?
Dans les maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, diabète, etc.), mais aussi en médecine d'urgence et dans les troubles passagers. Avec la prévalence des maladies chroniques due à notre démographie, se maintenir en bonne santé et utiliser les ressources du système de manière rationnelle et efficace sont des facteurs clés. La plateforme eedoctors, par exemple, permet de répondre à 90% des demandes par téléconsultation. D'autres domaines d'application de la télémédecine sont la dermatologie, les problèmes pédiatriques, les soins intégrés (télémédecine et médecine conventionnelle). La télémédecine peut également être utilisée dans la préparation avant les interventions (entretiens explicatifs), en psychothérapie, pour le traitement des plaies en partie et tout ce qui concerne le suivi. Dans la chirurgie du cancer, par exemple, il existe un système appelé eSMART. Il s'agit d'un suivi oncologique visant à détecter à temps les changements chez le patient et à prévenir une éventuelle hospitalisation.
Quelle mesure marketing prendriez-vous personnellement pour promouvoir la télémédecine?
L'une des mesures les plus importantes serait d'écrire un livre pour enfants. On y décrirait le scénario d’un enfant qui se blesse, puis un passant au lien d’appeler immédiatement une ambulance appellerait un médecin qui préciserait s'il est nécessaire d’emmener l'enfant à l'hôpital ou non. Les habitudes changent. La jeune génération est plus consciente du temps dont elle dispose et plus au fait des technologies. D’ici 15 ans, une part importante des services médicaux de base seront délivrés par téléconsultation. De nombreuses études le démontrent et son acceptation augmente.
Quel est l'avenir de la télémédecine en Autriche?
Le statut réglementaire est important, le fait que la télémédecine soit mise sur un pied d'égalité avec la médecine conventionnelle et que des systèmes de rémunération raisonnables soient créés pour que tout le monde soit motivé à l'utiliser, les médecins comme les patients. Le cas de la Suisse montre qu’on peut économiser de l'argent sur l'assurance maladie si l’on utilise la télémédecine. Le deuxième facteur essentiel se fera jour de façon manifeste lorsque le système conventionnel ne sera plus capable de mener sa mission. Si l’accès à la médecine conventionnelle devient trop compliqué, s’il y a pénurie de soignant et que vous devez faire trois de route pour consulter, vous allez réfléchir à une meilleure manière de répartir les ressources du système de santé et des patients. Les comportements vont changer, la médecine est très marquée par la culture et les habitudes.
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