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Numérisation: un sujet au long cours dont doit se saisir le top-managment

Michel Jüstrich, CEO de Nahrin AG, évoque avec nous le dialogue avec les clients, les modèles commerciaux de la société dans 20 pays-cibles et pourquoi la vente directe reste un modèle commercial éprouvé, même à l’ère du numérique.
Le CEO de Nahrin, Michel Jüstrich, accoudé à une table
«Le dialogue direct n’est pas en contradiction avec l’Internet»

Michel Jüstrich, la société Nahrin produit et commercialise des denrées alimentaires et des compléments alimentaires sur ses sites de Sarnen et de Berneck. Quel est votre produit phare?

Michel Jüstrich: notre grand classique est le bouillon végétal. Mais ce sont désormais les compléments alimentaires, en particulier les complexes multivitaminés, qui sont aujourd’hui numéro 1. C’est à Sarnen que nous développons, fabriquons et commercialisons nos denrées et compléments alimentaires. Nous avons un site de développement et de production de produits cosmétiques à Berneck. En Suisse, les deux tiers des produits Nahrin sont destinés à la cuisine, et un tiers sont des suppléments alimentaires. Mais dans les faits, c’est plutôt du 50-50. À l’étranger, la proportion des produits pour la cuisine est de 30% contre 70% pour les compléments.

Comment décririez-vous le modèle commercial de Nahrin?

Très simplement: «des produits sains et de qualité supérieure en vente directe».

Pourquoi faut-il établir un dialogue direct entre le fabricant et le client dans le domaine de l’alimentation équilibrée? Les clients ne s’informent-ils pas essentiellement sur Internet aujourd’hui?

Le dialogue direct n’est pas en contradiction avec l’Internet. On peut aussi dialoguer sur Internet, alors que ce n’est pas toujours le cas dans le commerce de détail. Je ne crois pas non plus que la digitalisation menace le dialogue car globalement les gens aiment communiquer. Nous aurons toujours besoin du contact personnel et de la petite note individuelle que cela procure. Un exemple: si un ami vous conseille d’aller manger dans un restaurant, vous allez y aller parce que vous lui faites confiance. Si vous lisez un article en ligne sur un restaurant qui affiche 200 Likes et 700 Dislikes, l’article aura beau être intéressant, vous vous fierez au final au nombre d’évaluations. Comme cela a toujours été le cas, l’humain attache une grande importance à la touche personnelle, et c’est ce que l’on constate quotidiennement dans notre activité.

Quelle forme le dialogue direct avec les clients prend-t-il chez Nahrin?

Contrairement à ce qui se faisait autrefois, où un représentant faisait du porte-à-porte pour présenter la marchandise, aujourd’hui le conseiller convient d’un rendez-vous avant de passer voir le client pour présenter des produits. À l’occasion de ces entretiens, le conseiller établit parfois un contact privilégié avec le client et doit être en mesure de répondre aux questions qui lui sont posées et d’apporter des solutions aux problèmes. Lorsqu’il n’est pas en mesure de proposer une solution, il peut transmettre les points en suspens en interne dans le but d’obtenir une réponse pertinente. Le rôle de conseil ne consiste donc pas à raconter une histoire quelconque au client, car son but est de vendre. En ce sens la vente directe assure au client un conseil sérieux. Il a en outre la garantie que les produits sont de qualité, en particulier en Suisse. En vente directe, les clients ne peuvent pas acheter de mauvais produits. Aucune société ne peut se le permettre.

Quelle est l’importance d’Internet ou du numérique pour Nahrin aujourd’hui?

C’est un canal très important pour nous. Nos forces de vente sont équipées de tablettes leur donnant l’accès en ligne à toutes les informations. Notre collaborateur saisit les commandes directement sur place. Une fois les vérifications usuelles effectuées, comme les contrôles de solvabilité ou des positions ouvertes, la commande est traitée automatiquement. Notre boutique en ligne est également au top. Les commandes en ligne s’effectuent en toute simplicité et les produits sont livrés rapidement. La boutique en ligne est un nouveau mode d’achat simple et confortable qui complète le canal téléphonique qui a encore de beaux jours devant lui. Notre boutique en ligne n’est disponible qu’en Suisse car nous ne livrons pas à l’étranger. Chacune de nos sociétés nationales exploite sa propre boutique en ligne.

Développent-elles leur propre boutique en ligne ou rejoignent-elles des grosses plate-formes telles qu’Alibaba ou Amazon?

Nous nous appuyons systématiquement sur des solutions dédiées. À l’étranger il en va de même, et nous nous appuyons exclusivement sur des plate-formes propriétaires. Parce que nous avons eu de bons résultats jusqu’ici et parce que dans le cas contraire nous saperions le travail de nos conseillers.

Pour ce qui est de la taille de votre équipe de ventes, comment s’est-elle développée au cours des 20 dernières années?

Au niveau des chiffres, notre organisation des ventes en Suisse n’a que peu changé. Il va de soi qu’aujourd’hui notre équipe s’appuie aussi sur les technologies numériques. Les nombreuses informations disponibles à ce jour permettent de donner une touche personnelle à la relation client, même lorsque l’on parle de 600, 1000 ou 1500 clients. À l’international par contre, nous avons pris un poids considérable.

La société Nahrin est présente dans environ 20 pays. Sur quels marchés vous focalisez-vous actuellement?

En ce moment, nous nous concentrons sur les pays arabes. De même, nous faisons une nouvelle incursion sur le marché chinois, après une première tentative, il y a quelques années qui s’était soldée par un échec. Nous sommes désormais plus sereins et pensons pouvoir atteindre de meilleurs résultats.

Comment la société Nahrin procède-t-elle lorsqu’elle veut conquérir de nouveaux marchés?

Lors des salons, nous nous faisons une première idée des nouveaux marchés potentiels, et nous travaillons également avec des agences qui nous aident à sélectionner des partenaires. Nous recevons également des requêtes directes, en particulier grâce aux canaux numériques. À l’instar de l’initiative que nous venons de lancer en Chine qui a débuté par une requête d’un interlocuteur chinois qui recherchait sur Internet des produits de niche sains et de qualité en Suisse et qui était tombé sur notre marque. Force est de constater que les salons et foires sont en perte de vitesse car les informations clés concernant les marchés internationaux sont désormais plus faciles à trouver sur le net. Cela nous oblige d’ailleurs à paramétrer notre plate-forme Web de façon à ce que Nahrin apparaissent dans les résultats de recherche . Dans ce domaine, nous avons encore beaucoup à apprendre.

Quels sont les critères déterminants lorsqu’il s’agit d’évaluer de nouveaux marchés?

Les éléments suivants sont essentiels: quel est le pouvoir d’achat? Quel est le niveau d’acceptation pour les produits naturels? Quel est l’attitude des gens en termes d’alimentation et de santé? Quelles sont les habitudes de consommation? Quelle est la popularité de la Suisse et de ses produits? Et étant donné que nos produits sont plus chers en raison de la part élevée des ingrédients de qualité que vous y retrouvez: quelle est l’élasticité-prix? Sur la base des réponses à ces questions, nous établissons une matrice et c’est ainsi que nous nous sommes intéressés aux Etats arabes.

...bien que cette région ne soit pas vraiment connue pour ses plats à faible teneur en sel et en gras?

C’est ainsi. C’est pourquoi sur ces nouveaux marchés, nous nous focalisons non pas sur les produits alimentaires mais essentiellement sur les compléments alimentaires et ensuite sur les produits cosmétiques.

En quoi se différencient vos modèles de vente directe dans vos 20 marchés-cibles?

En Suisse, avec nos conseillers à plein temps, nous disposons d’un système de vente directe plutôt rigide. À l’étranger par contre nous avons établi un système de vente directe plus libre qui s’apparente à un système de démonstration ou de vente en groupe à domicile. Plus nous allons vers l’est, plus la numérisation est poussée: one-to-one-selling avec une assistance Internet renforcée.

Le domaine alimentaire est soumis à diverses tendances. Comment la société Nahrin réagit-elle?

Nous suivons également ces tendances de près grâce à nos conseillers de vente directe qui se font l’écho des marchés. Les clients nous disent très clairement ce qu’ils veulent et ce qu’ils ne veulent pas. Nous nous informons également sur les salons, sur Internet et aussi grâce à nos contacts avec les fabricants de matières premières. Nous filtrons ce qui selon nous représente un volume raisonnable de prospects. Simultanément, nous proposons également des produits pour des clients spécifiques tels que les végétaliens, les végétariens, les personnes présentant une intolérance au lactose ou au gluten. Nous essayons de répondre aux nouvelles tendances. Mais quoique nous fassions, nous n’oublions jamais notre principe fondamental: proposer des produits délicieux.

L’Industrie 4.0 et la numérisation sont des thèmes qui occupent les PME suisses. Selon vous, les PME suisses doivent-elles modifier leurs modèles commerciaux?

Partout où les processus peuvent être améliorés et simplifiés, nous essayons de profiter des avantages du numérique. Nous avons d’ores et déjà mis en œuvre nombre d’aspects du concept d’Industrie 4.0, que certains ont à peine effleurés. Les communications avec les fournisseurs et les clients ne cessent de s’intensifier. Les difficultés surviennent lorsque nos fournisseurs ne sont pas aussi avancés que nous. Notre positionnement international et le fait d’avoir déjà largement communiqué sur ces sujets avec nos 350 fournisseurs de matières premières nous ont beaucoup aidés. En interne, la numérisation implique des mesures de rationalisation. Dans ce domaine, nous nous employons à mettre en œuvre tout ce que nous jugeons nécessaire et justifié. La numérisation a été introduite auprès de nos conseillers sous forme de tablettes. La numérisation est selon moi étroitement liée à la culture de l’entreprise. Et c’est donc d’en haut que nous devons initier ce thème en montrant l’exemple. Si nous ratons ce train-là, les problèmes auront tôt fait de se faire sentir. Le défi consiste non seulement à suivre le rythme des évolutions tant sociétales qu’entrepreneuriales. C’est en particulier au niveau des personnes de 45 ans et plus que je vois un véritable défi: c’est une génération qui pense avoir intégré les nouveaux développements et technologies, mais qui en réalité est loin de maîtriser toute la palette des possibilités qu’offre la téléphonie mobile, par exemple. De vrais problèmes surgiront si l’on sous-estime les évolutions numériques et leurs conséquences.

Comment gérez-vous ce genre de problème chez Nahrin?

Grâce à des mesures de soutien interne et en créant des espaces d’apprentissage pour les collaborateurs. Il est essentiel que les gens soient ouverts à la nouveauté et aient envie d’apprendre. Il faut aussi laisser la place à une culture de l’erreur. Si les collaborateurs ne peuvent apprendre, n’ont pas le droit à l’erreur et ne peuvent se réorienter, l’entreprise se retrouvera avec des collaborateurs incapables de relever les défis. Pour éviter ce genre de situation, nous organisons par exemple des projets internes ou des éléments stimulants travaillent avec des collaborateurs qui ont besoin d’être stimulés. Par ailleurs la numérisation est un sujet régulièrement débattu dans les séances de cadres depuis deux ans.

En quoi la numérisation impacte-t-elle le secteur alimentaire?

Nous ne pensons pas que la numérisation puisse fortement influencer le secteur alimentaire. Bien évidemment, la numérisation aura un impact considérable sur le comportement d’achat des consommateurs et leur manière de se façonner une opinion. Certains produits seront créés de manière plus personnalisée selon les souhaits du client, un domaine qui intéressera selon moi le secteur des compléments. Mais je suis de ceux qui pensent que le secteur alimentaire ne sera pas confronté à des changements disruptifs.

À propos de Nahrin

Nahrin AG est une entreprise familiale suisse domiciliée à Sarnen, canton d’Obwald, qui a été fondée en 1954. La société est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits et compléments alimentaires. Toute la production se fait à l’interne, de la phase de recherche jusqu’à la phase de vente. Nahrin est aujourd’hui un des leaders de la vente directe en Suisse.

À propos de Michel Jüstrich

Représentant de la troisième génération à la tête de la société , Michel Jüstrich dirige l’entreprise familiale depuis plus de 20 ans. Après des études à l’Université de Saint-Gall et après avoir été employé chez Hilti et chez SFS, Michel a intégré l’entreprise familiale Nahrin AG en 1998. Il y a 15 ans, Michel Jüstrich créait la société de vente directe ANiFiT (Nourriture pour animaux). Avec Similasan (leader dans le domaine des préparations ophtalmiques) il a repris à son compte l’une des sociétés OTC leaders sur le marché.

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