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Télétravail: le bureau à distance à l’étranger au regard du droit fiscal

Il y a quelque temps, nous vous avons donné un premier aperçu du défi juridique que constitue le télétravail des travailleurs frontaliers. Dans le présent article, nous examinons de plus près dans quelles circonstances l’activité d’un télétravailleur à l’étranger constitue un établissement stable de l'employeur au regard du droit fiscal.

Frau arbeitet an ihrem PC

Pour les quelque 300 000 frontaliers qui travaillent en Suisse, le lieu de résidence et le lieu de travail se trouvent dans des États différents. Lorsqu’un salarié étranger travaille à domicile, il effectue tout ou partie du travail dans son pays de résidence. Si le télétravail impacte l'imposition du salarié, il peut aussi avoir des effets fiscaux indésirables pour l'employeur:

Le régime normal dit que si le télétravail effectué dans le pays de résidence du travailleur étranger est réputé constituer un établissement stable (ES) de l’employeur, ce dernier est imposable dans ce pays, en France par exemple, où les charges sont plus lourdes et entraînent un surcroît de travail.

Accord avec les pays voisins: dérogations liées à la pandémie

Rappelons qu’un accord a été conclu le 13 mai 2020 entre la Suisse et la France, dans le contexte de la crise de la Covid-19, selon lequel le télétravail des frontaliers n’a pas d’incidence, ni en matière d’affiliation au système de sécurité sociale, ni en matière fiscale jusqu’au 31 décembre 2021.

Tout d'abord, le feu vert a été donné aux employés qui télétravaillent depuis leur domicile pour cause de Covid-19: selon avis de l'OCDE, le changement temporaire du lieu de travail ne fonde pas d’établissement stable de l'employeur dans le pays de domicile du télétravailleur. La Suisse s'est conformée à cette recommandation et a conclu un accord avec les pays voisins, l'Allemagne, la France et l'Italie, pour que le télétravail n’ait pas d’impact sur la fiscalité en temps de pandémie. L'accord amiable avec la France, qui restera en vigueur au moins jusqu'à la fin septembre pourra être prorogé ou un nouvel accord amiable conclu en cas de nécessité liée à l’évolution de la situation sanitaire dans les deux Etats.  

Convention de double imposition Suisse-France

On trouve des dispositions sur l’expression «établissement stable» aussi bien dans les législations nationales que dans les conventions de double imposition (CDI). Les CDI, par exemple la CDI Suisse-France, sont déterminantes pour l’interprétation par les parties des questions transfrontalières, dont elles font partie intégrante. La plupart des convention de double imposition reposent sur le Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE. La définition d’établissement stable est donc harmonisée à l’échelle internationale.

Que faut-il entendre par établissement stable et à quoi faut-il être vigilent?

Au sens du modèle de convention fiscale de l’OCDE, l’expression «établissement stable» désigne une installation fixe d’affaires où l’entreprise exerce tout ou partie de son activité. Les logements privés peuvent aussi sous certaines conditions être considérés comme des ES. Les conditions essentielles sont une certaine durée de l'activité et le pouvoir de disposer de l’installation par l'entreprise. Les autorités fiscales échouent régulièrement à établir l'existence d'un établissement stable. Pour que le pouvoir de disposer soit fondé, il faut que l'employeur dispose d'un droit d'accès complet aux locaux privées du salarié utilisés à des fins professionnelles. Ce n'est pas le cas dans la plupart des cas.

Les autorités fiscales cantonales interprètent le pouvoir de disposer un peu plus largement et exigent uniquement que l'installation commerciale soit attribuable à l'entreprise. C'est notamment le cas si le salarié ne dispose pas d'un poste de travail dans l'entreprise. L'utilisation occasionnelle d’un bureau à domicile en plus du lieu de travail ordinaire n'entraîne en aucun cas la création d'un établissement stable.

Le risque de création d’un établissement stable au domicile du télétravailleur étranger est écarté dans le cadre de la pandémie. Mais, la prudence s’impose si le collaborateur étranger dispose de pouvoirs lui permettant de conclure à son domicile des contrats au nom de l’entreprise allant au-delà d’activités auxiliaires ou de l’achat de de marchandises. Les bénéfices générés par ces contrats sont imposés comme ceux d'un établissement stable si le salarié travaille pour l’entreprise dans son pays de résidence sur une certaine continuité. Et ce, tout à fait indépendamment de la condition d'une installation fixe d'affaires.

Conséquences du télétravail transfrontalier à long terme  

Divers facteurs entrent donc en considération pour déterminer si le bureau à distance d'un employé étranger constitue un établissement stable de l'employeur. Le critère du pouvoir de disposer est déterminant, mais il est interprété différemment par les autorités nationales. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, un changement d'appréciation de la législation fiscale relative à la création d'un établissement stable en raison du télétravail des employés ou même de la direction est exclu. Toutefois, les entreprises qui envisagent de donner à leurs employés étrangers la possibilité de travailler à domicile dans une plus large mesure, même à long terme, devraient en tout état de cause examiner attentivement les aspects fiscaux du télétravail et documenter en détail les faits et circonstances pertinents afin de pouvoir répondre aux demandes des administrations.

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