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"Difficile de battre la qualité suisse; même les chinois le reconnaissent."

Établie en Belgique, UCB est une société biopharmaceutique active à l’international. Depuis 1996, elle a investi plus de 600 millions de francs suisses dans un établissement ultramoderne situé dans le canton suisse de Fribourg, afin d’y produire des médicaments contre les allergies ainsi que dans les domaines de la neurologie (système nerveux central) et de l’immunologie. Nous avons discuté avec Nicolas Tièche, responsable du site de Bulle chez UCB, de l’histoire de l’entreprise en Suisse, mais aussi des tendances et des défis de la production biopharmaceutique.

 

 

Nicolas Tieche
«L’un des avantages propres à la Suisse était son écosystème stable et dynamique, où coexistent un grand nombre de sociétés biopharmaceutiques et un vivier de talents possédant les compétences requises par UCB.» (Nicolas Tièche, responsable du site de Bulle)

L’usine d’UCB à Bulle, dans le canton de Fribourg, fabriquait à l’origine des traitements contre les allergies; désormais, elle couvre trois domaines thérapeutiques et gère trois plateformes technologiques différentes. Couronnée de succès, la relation entre UCB et la Suisse a commencé dès 1986, année où cette société d’envergure mondiale y a créé une filiale pour mettre au point et produire des traitements contre les allergies. Son premier produit fabriqué en Suisse a marqué un tournant, contribuant à stimuler la croissance de l’entreprise. Nous nous sommes entretenus avec Nicolas Tièche, responsable du site de Bulle chez UCB:

M. Tièche, vous dirigez l’usine d’UCB à Bulle. Quelle expérience avez-vous de la Suisse?

Nous sommes arrivés en Suisse en 1986, lorsque nous y avons ouvert une filiale commerciale pour mettre au point et fabriquer des traitements contre les allergies. Notre premier produit fabriqué en Suisse a été l’antihistaminique Zyrtec (cétirizine), qui a changé le destin d’UCB. Notre croissance en a bénéficié; Zyrtec a donc été «le bon produit au bon moment» pour démarrer des activités de fabrication à une échelle industrielle en Suisse.

Heureusement, nous disposions de tout l’espace nécessaire et d’un vaste réseau de prestataires de services. L’un des avantages propres à la Suisse était son écosystème stable et dynamique, où coexistent un grand nombre de sociétés biopharmaceutiques et un vivier de talents possédant les compétences requises par UCB. Bien entendu, grâce à la qualité de vie exceptionnelle, personne ne se plaint jamais de devoir s’installer en Suisse, et notre personnel compte actuellement 25 nationalités différentes! Bref, tous les ingrédients nécessaires étaient réunis ici.

Nous avons connu quelques moments difficiles, mais nous avons fait preuve de résilience et, malgré la perte des droits d’exclusivité, nous sommes parvenus à rester compétitifs. Cette résilience remarquable est un des facteurs de notre réussite et notre expansion constante.

Zyrtec a été «le bon produit au bon moment» pour démarrer des activités de fabrication à une échelle industrielle en Suisse.

Comment qualifieriez-vous la Suisse, du point de vue des acteurs de la biotechnologie?

La Suisse possède un écosystème dense, gravitant autour de trois pôles: Zurich, Bâle et l’axe Genève-Berne, qui offrent tous les ingrédients vitaux aux sociétés pharmaceutiques.

UCB est bien placée pour garder sa longueur d’avance, mais nous devons rester concentrés et ne pas nous reposer sur nos lauriers. Il y a des défis à relever: par exemple, l’industrie pharmaceutique et le secteur des biotechnologies devront embaucher des centaines de personnes dans les trois prochaines années; certains de ces postes seront faciles à pourvoir, d’autres moins. Nous pouvons trouver des diplômés universitaires en ingénierie, en biologie et en bio-ingénierie, mais nous avons besoin de davantage de spécialistes et de techniciens travaillant sur le terrain et les chaînes de production. D’où l’importance du système de formation par alternance de la Suisse, qui inclut des phases d’apprentissage.

Quelle sont actuellement vos priorités?

Notre priorité est et restera l’efficacité des solutions offertes à nos patients dans les domaines que nous couvrons sur le site de Bulle, à savoir l’allergologie (depuis 1996), la neurologie (depuis 2004) et l’immunologie (depuis 2014), et qui comptent 6 produits commercialisés.

Notre autre priorité est de soutenir la croissance du groupe UCB et son réseau de production interne en Belgique, au Japon et en Chine. Nous devons veiller à conserver une qualité et des performances de premier plan, afin que le «Swiss-made» reste synonyme d’excellence et un facteur clé de satisfaction de nos partenaires.

Et, effectivement, il nous faut davantage de spécialistes et de techniciens travaillant sur le terrain et les chaînes de production. D’où l’importance du système de formation par alternance de la Suisse, qui inclut des phases d’apprentissage.

UCB a-t-elle d’autres projets d’expansion dans le cadre de sa stratégie de fabrication mondiale?

Oui, nous prévoyons toujours de soutenir le développement du groupe UCB en complétant notre gamme de produits dans nos domaines thérapeutiques (allergologie, neurologie et immunologie). Nous disposons de trois plateformes technologiques, que nous développons constamment: Chemistry (API – Drug Substance), Pharma (Dry Form – Drug Product) et Biotech Bacterial (API – Drug Substance).

Le sixième produit commercial du site de Bulle s’est ajouté à nos produits neurologiques en 2021, et un septième produit pourrait bientôt être lancé, en immunologie.

Deux tiers des employés du site de Bulle travaillent dans la fabrication, le reste dans nos centres de compétences: gestion du marketing, filiale suisse, service clientèle et distribution mondiale. Il est inhabituel d’avoir un service clientèle localisé en Suisse, beaucoup d’entreprises préférant les pays à bas salaires.

Quels sont les défis et les tendances du secteur de la production biopharmaceutique?

Il y a des défis à la fois à long terme et à court terme. À court terme, il s’agit de l’après-pandémie et de la situation géopolitique: dans tous les domaines (y compris celui de l’énergie) et toutes les régions, l’offre et la distribution sont devenues des facteurs de risque – et le resteront certainement encore quelques années.

Mais le coronavirus a également entraîné des défis à long terme. Par exemple, nos études cliniques prévues et certains lancements ont été retardés, ce qui ralentit la mise au point de nouveaux produits. Nous devons combler l’écart entre la perte de droits d’exclusivité (LoE) pour d’anciens produits et le lancement de nouveaux produits, éventuellement via des rachats. UCB a également annoncé son intention de rejoindre le club des acteurs de la thérapie génique, encore très restreint. Des investissements sont d’ores et déjà prévus pour notre site de Braine en Belgique, mais nous devons aussi nous préparer à ce changement, par exemple en développant des compétences utiles au groupe dans ce domaine.

Il est inhabituel d’avoir un service clientèle localisé en Suisse, alors que beaucoup d’entreprises préfèrent des pays à bas salaires.

Quels sont les principaux défis et débouchés auxquels fait face UCB dans la fabrication de solutions thérapeutiques?

Parmi les défis et débouchés de notre secteur, citons la médecine personnalisée, la thérapie génique, les nouveaux modèles de distribution de médicaments, l’accès à la médecine ou encore les diagnostics. Nous traitons 80 millions de personnes avec des produits contre les allergies, 20 millions avec un anti-épileptique et 200 000 personnes avec un produit immunologique. À l’autre bout du spectre, une thérapie génique spécifique ne traite qu’une seule personne. Qui dit personnalisation dit donc réduction des volumes de production, mais les coûts d’investissement et de production restent substantiels (par exemple, UCB investit plus de 25% de ses revenus dans la recherche-développement). Les produits de thérapie génique ayant le potentiel de traiter une maladie plutôt que de la contrôler, il faudra introduire de nouveaux modèles de remboursement.

Dans un avenir proche, des partenaires comme Amazon ou Alibaba pourraient jouer un rôle majeur dans la distribution et la logistique. Par ailleurs, l’impression 3D de médicaments pourrait permettre des dosages personnalisés, fabriqués localement avec des principes actifs fournis par l’industrie pharmaceutique. Toutes sortes d’évolutions sont possibles.

Enfin, j’espère que l’amélioration des diagnostics et l’arrivée de nouvelles méthodes raccourciront le délai entre les premiers symptômes d’une maladie et le diagnostic précis, ce qui nous permettra de prendre en charge les patients plus rapidement et efficacement.

Quels sont les engagements d’UCB en matière de durabilité?

Nous mettons en œuvre un ambitieux programme énergétique depuis près de 15 ans. À l’origine, il s’agissait simplement d’optimiser la consommation d’énergie, mais nous avons désormais des ambitions plus larges. La priorité absolue du comité directeur est de réduire notre empreinte carbone, en prenant 2015 comme année de référence. Nous entendons atteindre la neutralité carbone d’ici 2030.

Deuxième enjeu qui nous occupe depuis un certain temps: l’utilisation de l’eau. La stratégie du groupe consiste à allouer 80% des fonds investis dans la durabilité à la réduction de l’emprunte carbone, les 20% restants étant utilisés à des fins de compensation. Ce point est crucial pour nous, car dépenser pour compenser nos émissions de CO2 ne résout pas vraiment le problème. La meilleure façon d’atteindre les objectifs de durabilité de l’ONU serait peut-être de créer des groupes de travail et d’indexer les salaires des dirigeants sur le respect de critères de durabilité.

Nous nous préoccupons beaucoup de diversité, d’égalité et d’inclusion au sein de l’entreprise, en plus de l’innovation scientifique et des pratiques commerciales éthiques. En matière d’ESG, nous mettons surtout l’accent sur la santé et la sûreté, ainsi que sur l’égalité salariale. Je suis très fier de notre certification EQUAL-SALARY, obtenue il y a deux ans. Nos autres priorités sont les processus écologiques, l’accès aux médicaments pour tous et l’amélioration du diagnostic de l’épilepsie, encore loin de répondre aux besoins.

En trois mots, que représente la Suisse pour UCB?

Qualité, savoir-faire et fiabilité.

 

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